6 juil., 2022

Destins brisés : ces présidents haïtiens morts au pouvoir

Destins brisés : ces présidents haïtiens morts au pouvoir

President Jovenel Moïse

Dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 juillet 2021, le président haïtien, Jovenel Moïse, est décédé suite à l'attaque de sa résidence par un commando. Vers une heure du matin, dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 juillet 2021, un groupe d'individus non identifiés, dont certains parlaient en espagnol, ont attaqué la résidence privée du président de la République et ont ainsi mortellement blessé le chef de l'État, comme l'ont annoncé les services du premier ministre par intérim, Monsieur Claude Joseph, via un communiqué.

Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 et avait pris ses fonctions le 7 février 2017. Il rejoint la liste déjà trop longue des chefs d'État et de gouvernement de ce pays depuis l'indépendance qui ont été soit renversés ou assassinés. On renoue avec une histoire qui avait été mise entre parenthèses.

Avant le président Jovenel Moïse, plusieurs autres chefs d'État haïtiens ont été assassinés ou tués alors qu'ils étaient en fonction. L'exécution du président Moïse s'inscrit dans une série d'épisodes tristement célèbres de notre histoire de peuple marquée par des luttes sociales et politiques. Il convient de noter qu'avant l'ancien patron d'Agritrans, pas moins de 4 chefs d'État, dont l'Empereur Jean Jacques Dessalines, ont subi le même sort.

1. Le père de la nation, le premier assassiné au pouvoir (1er janvier 1804 - 17 octobre 1806) Jean Jacques Dessalines, deux ans après qu'il eut été proclamé Empereur d'Haïti sous le nom de Jacques Ier, fut lâchement et brutalement assassiné le 17 octobre 1806 au Pont Lanarge, devenu "Pont Rouge" à la suite du drame. Né le 20 septembre 1758, Dessalines a passé près de deux ans au pouvoir après la proclamation de l'indépendance d'Haïti en 1804. Alors qu'il se rendait dans le Sud du pays pour écraser en personne une rébellion à son pouvoir, il a été pris en embuscade par un groupe d'officiers et violemment abattu à Pont-Rouge le 17 octobre 1806.

2. Sylvain Salnave (14 juin 1867 - 19 décembre 1869) Sylvain Salnave, né le 7 février 1826 au Cap-Haïtien, a été président d'Haïti du 14 juin 1867 au 15 janvier 1870. Arrivé au pouvoir par un coup d'État militaire contre le président Fabre Geffrard, il a manifesté des velléités dictatoriales dès le début de son mandat. Il a dissous le Sénat et s'est maintenu en place grâce au soutien de l'armée. Son régime a néanmoins dû faire face à plusieurs guerres civiles constantes entre les différentes factions républicaines qui contestaient son pouvoir. Menée par ses rivaux, dont Nissage Saget, la rébellion anti-Salnave s'est poursuivie jusqu'à son arrestation le 10 janvier 1870 par le Général Cabral, alors qu'il essayait de gagner la République dominicaine en quête d'aide auprès du président Baez Buenaventura. Il a été livré à Saget, qui l'a fait juger puis exécuter le 15 janvier 1870.

3. Michel Cincinnatus Leconte (14 août 1911 - 8 août 1912) Michel Cincinnatus Leconte est né le 29 septembre 1854 à Saint Michel de l'Attalaye. Il a connu une présidence éphémère qui n'a duré qu'un an (août 1911 - août 1912). Petit-fils de Jean-Jacques Dessalines, il a été nommé président d'Haïti le 14 août 1911, après une violente insurrection qui a entraîné la démission d'Antoine Simon. L'opposition contre lui a rapidement grandi dans le pays ; alors qu'il dormait au Palais National (la résidence présidentielle), le bâtiment a explosé "mystérieusement" le 8 août 1912. Le Président, son petit-fils et 300 soldats haïtiens ont péri dans cet événement catastrophique.

4. Jean Vilbrun Guillaume Sam (9 mars 1915 - 27 juillet 1915) Jean Vilbrun Guillaume Sam, fils du président Tirésias Simon Sam, est né le 4 mars 1859 à Ouanaminthe. Il a succédé au président Davilmar Theodore. Il n'a été président d'Haïti que pendant quatre mois. Avant l'invasion militaire américaine d'Haïti du 28 juillet 1915, le pays avait connu six présidences ou chefs d'État éphémères, dont le mandat global n'a duré que trois ans (août 1912 - juillet 1915)

Pro-américain, contrairement à ses prédécesseurs, Sam a été contraint de faire face à une révolte contre son régime. Ses opposants ont organisé un important soulèvement populaire qui menaçait de renverser le gouvernement. Mais Sam a gardé le contrôle de la situation et a fait exécuter 167 prisonniers politiques. La tension contre sa présidence s'est intensifiée dans la capitale. Le matin du 27 juillet 1915, avant l'aube, quelqu'un a tiré sur le président. Il a été touché à la jambe. Pris de panique, il a quitté le Palais national et s'est rendu à l'ambassade de France, où il a obtenu l'asile. Les chefs révolutionnaires ont fait irruption dans l'ambassade, se sont emparés du président, l'ont battu à mort, puis ont traîné son corps dans les rues de la capitale. Des troupes américaines ont débarqué au pays le lendemain de sa mort, le 29 juillet, et ont entamé une occupation qui a duré 19 ans jusqu'en août 1934.

5. Jovenel Moïse, 5ème président assassiné au pouvoir (7 février 2017 - 7 juillet 2021) L'histoire est un perpétuel recommencement. D'autres diraient qu'elle est plutôt une spirale avec des similitudes entre les événements. Le président Jovenel Moïse est né le 28 juin 1968. Il a dirigé le pays du 7 février 2017 au 7 juillet 2021, date de son assassinat dans sa résidence privée. Contesté avant même qu'il ait pris fonction, les antagonismes politiques sont devenus féroces sous sa présidence. Le mercredi 7 juillet 2021, à 1h00 du matin, le président Moïse a été assassiné dans sa résidence privée par un groupe de 26 personnes lourdement armées. Ces pages encombrantes dans notre histoire de peuple tendent à s'étioler dans la mémoire collective. L'événement funeste survenu le 7 juillet 2021 nous rappelle ces vieux démons qui, à chaque fois, laissent de mauvais souvenirs pour le pays et nous plongent encore plus dans des crises politiques, sociales et économiques interminables. En somme, être chef d'État en Haïti, c'est aussi prendre un risque. Il n'y a pas que le prestige et les privilèges qui y sont associés. Coups d'État, assassinats, emprisonnements, etc. sont autant de sorts qu'ont connus des chefs d'État haïtiens. Notre histoire politique est en effet faite de turbulences, de soubresauts, d'élans et de passions destructeurs.

Sources 1
Sources 2